mardi 18 mai 2010

LETTRE D'INFORMATION N°9

LETTRE D'INFORMATION N°9 MAI 2010

Chers Amis,

Il nous a semblé important de vous tenir au courant de la situation post séisme.
Nous sommes en train d’oublier le drame, ce qui est dans la nature humaine, mais n’oublions pas ses conséquences qui pèsent sur plus d’un million de sans abris et de personnes déplacées. Le texte ci-dessous, issu d’un article du Nouvelliste (le plus ancien quotidien d’Haïti) illustre hélas le nouveau drame qui se prépare avec la saison des cyclones qui n’est plus qu’à quelques semaines et fera regretter la saison des pluies !
Plus près de nous, la construction du nouveau dispensaire de Balan progresse et celle d’un nouveau dispensaire à Caracol Poisson est à l’étude. Ce sont des priorités impérieuses.
En effet, le nombre de réfugiés dans la région de Cap Haïtien entre les personnes recensées et celles qui ne le sont pas doit dépasser les 100 000 ! Soit plus de 15% de la population de la région. C’est énorme, et l’aide que nous pouvons apporter aux dispensaires que nous soutenons est indispensable.

Très sincèrement,

Le Comité Directeur


"Port au Prince, le 14 Mai 2010:

La grogne des sinistrés près des flaques d'eau marécageuses et nauséabondes, signe que les récentes averses sont aussi passées dans leur centre d'hébergement
Des marres d'eau boueuses et infectes transforment cet abri provisoire en un théâtre de désolation.

Le camp de la Place Fierté à Cité Soleil, Port au Prince:
(Cité Soleil est le plus grand bidonville de Port au Prince avec près de 800 000 habitants; c'est aussi le lieu le plus dangereux de la capitale haïtienne)

Le centre d'hébergement de la Place Fierté au lieu-dit Brooklyn plus précisément, a été l'objet d'une petite investigation de deux journalistes de Le Nouvelliste. Le Camp se situe juste en face du Commissariat de Police de Cité Soleil, imposant et spacieux immeuble contrastant carrément avec les tas de tentes et de petits abris en face, sur une place qui depuis 4 mois abrite des sinistrés en manque de tout.
Une escale de 30 minutes au poste de Police nous donne un avant-goût sur l'insécurité de la zone - quoiqu'en baisse considérable, selon ce que nous apprend l'inspecteur Rosemond Aristide. En effet, une jeune femme d'environ une vingtaine d'années arrive dégoulinante de sang, escortée d'une cohorte bruyante faite de jeunes gens et d'enfants, sales et pieds nus pour certains, et lançant des jurons pas du tout de leur âge. Elle se plaint d'avoir été frappée à la tête par un homme lors d'une dispute. Moins de 15 minutes plus tard, une autre arrive cette fois le corps maculé de boue et le t-shirt ensanglanté. Même plainte, et comme l'autre avant elle, les policiers l'invitent à aller panser sa plaie pour revenir faire sa déposition plus tard. Toute cette scène se déroule sous les regards calmes des agents de Police, définitivement habitués aux mélodrames quotidiens qui occupent une bonne partie de leurs heures de garde. Pis, l'un d'entre eux déclare n'être pas outre mesure ébranlé par les larmes ni même le sang des présumées victimes puisque certaines d'entre elles ont l'habitude de monter leurs histoires de toutes pièces, allant jusqu'à se blesser seules:
« L'insécurité ne chôme pas à Cité Soleil : vols à mains armées, viols au quotidien et un effectif de 70 évadés du 12 janvier retrouvés et arrêtés dans cette zone », affirme l'inspecteur Aristide.

Une escorte policière nous accompagne à travers les ruelles de ce qui est devenu un véritable quartier de sans abri, le camp de la Place Fierté. A première vue, ce n'est pas bien différent des autres camps : un alignement de tentes, des voisines devisant entre elles sur des sujets courants, des enfants nus et sales, ventres proéminents et cheveux couleur de malnutrition, regardant les visiteurs que nous sommes avec des yeux remplis d'envie. En se faufilant par les couloirs laissés entre les tentes, l'horreur attend même les plus braves. La crasse et la puanteur règnent. Des flaques d'eau marécageuses et nauséabondes, signes que les récentes averses sont aussi passées par là, font bassin à des tentes, une en particulier, sous laquelle habitent deux jeunes mères et cinq enfants de moins de 6 ans :

Marjorie Billy, 21 ans et 3 enfants et Récile Gabrielle, 25 ans et 2 enfants. C'est la moyenne en termes d'enfants pour les femmes de cet âge à Cité Soleil. Rien à côté des presqu'adolescentes de 11-12 ans qui tombent enceintes à la suite d'un viol.
En fait, dans ce centre d'hébergement, plusieurs abris ont été inondés ces derniers jours et leurs occupants sont forcés de trouver refuge chez des voisins plus fortunés abrités sous de vraies tentes. Dans la perspective de nouvelles averses, les femmes et les hommes s'affairaient vendredi à creuser des rigoles entre les cases pour laisser passer l'eau de pluie. « S'il devait continuer à pleuvoir nous aurons plus de difficultés, mais nous n'avons d'autre endroit où aller. Le gouvernement doit faire quelque chose vite », lâche Rénold Jean Noël, un jeune homme qui frise la quarantaine. « Les tentes que les organismes internationaux ont donné résistent aux intempéries, pas les nôtres faites de morceaux de tissus et de poteaux en bois », regrette Lucienne Estimé, responsable d'un comité de sinistrés dans le plus grand bidonville de la capitale, réclamant des tentes et de la nourriture pour les milliers de personnes qui vivent dans ce centre d'hébergement. Elle confie que les organisations humanitaires qui travaillent sur place prédisent que de nombreuses distributions supplémentaires seront nécessaires avant que les victimes puissent assurer seules leur survie, mais jusqu'ici rien n'est fait.

Quand on ne sautille pas pour pouvoir enjamber déchets et matières fécales, on se retient de se boucher le nez pour avoir raison de la puanteur ambiante. Mais on se retient par charité, et parce qu'on est curieux de savoir où cette femme trouve le courage pour faire cuire paisiblement sa nourriture destinée à la vente justement là. On se demande aussi comment cet enfant peut-il jouer paisiblement au ballon, riant jusqu'aux molaires? Résilience? Résistance? Insouciance? Résignation? On ne saurait trop le dire. « Outre les odeurs d'urine et de matière fécale qui incommodent sérieusement la population, je dois vous dire que des épidémies risquent de faire leur apparition dans les prochains jours avec les mares d'eaux boueuses et infectes qui transforment notre abri provisoire en un théâtre de désolation. Le manque d'eau potable et de toilettes constituent le premier facteur », fait remarquer Lucienne estimé.
De telles situations sont monnaie courante. L'intérieur des tentes n'est pas mieux que l'extérieur. Les plus heureux ont des matelas ou des couvertures qui ont connus des jours meilleurs. D'autres dorment sur des morceaux de carton ou de linge reposant sur des blocs de ciment, faisant à peine ou pas du tout la longueur de celui qui y gît. D'autres n'ont même pas de tentes et se contentent d'une bâche et de quelques piquets de bois. Une autre catégorie est encore plus désavantagée : ni tente ni bâche, rien que du plastique d'emballage, de ceux utilisés pour mettre les vêtements dans les blanchisseries, qui recouvrent une frêle armature en bois de récupération, le tout constituant un abri pouvant à peine supporter une brise, du moins à première vue."

Le Nouvelliste
Marie-Brunette B. Mainsour labrune28@gmail.com
Amos Cincir mcincir@lenouvelliste.com"


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